Environnement, énergies nouvelles, biotechnologies, Växjö a toujours une longueur d’avance.

L’Union européenne veut réduire de 20% ses émissions de CO2 d’ici 2020. Chacun devra y mettre du sien. A Växjö, on a déjà pris une longueur d’avance. Plus de la moitié de l’énergie consommée par cette petite ville du sud de la Suède provient aujourd’hui de sources renouvelables. La commune de 80 000 habitants a ainsi diminué de 24% ses émissions de CO2, entre 1993 et 2005. Elle espère les réduire de moitié d’ici 2010. Un engagement salué par la Commission européenne, qui lui a décerné en 2007 le premier Prix de l’énergie durable pour l’Europe.

« L’avantage de ce type de récompense, c’est qu’une fois qu’ils l’ont acceptée, les politiciens ne peuvent plus rentrer chez eux et dire que l’environnement n’est pas important », plaisante Sarah Nilsson, responsable de la planification énergétique à la commune. Elle s’empresse de préciser qu’à Växjö, les responsables locaux sont très sensibilisés à la question. « Ils ont compris que c’était une façon de se distinguer pour la commune », remarque sa collègue So Hie Kim-Hellström.

Tout a commencé par une catastrophe, l’hiver 1970. Au moment du dégel, des dizaines de poissons morts remontent à la surface des lacs entourant la ville. C’est le résultat d’une pollution accumulée depuis des siècles et le déclic pour Växjö. La commune lance un gros programme de restauration de ses lacs. Les techniques utilisées obtiennent une reconnaissance internationale. Les bords des lacs grouillent d’activité, l’été. Et les élus réalisent au passage que « l’écologie peut être une ressource et non une contrainte », résume So Hie Kim-Hellström.

Plus tard, la conversion de la centrale à fioul Sandvik marque une nouvelle étape. En 1980, Växjö devient la première ville en Suède à transformer sa centrale thermique en unité de cogénération, produisant de l’électricité et du chauffage urbain à partir de déchets de l’industrie forestière. Les obstacles étaient importants. A l’époque, les frais d’investissement étaient énormes, les fournisseurs de biomasse rares et les autorités peu enthousiastes. « Pourtant nous étions déjà convaincus qu’il était indispensable de rompre notre dépendance au pétrole », raconte le patron, Ulf Johnsson.

Le pari est réussi. Aujourd’hui, 80% des habitations de Växjö sont reliées au réseau de chauffage urbain. La biomasse provient des forêts environnantes, qui couvrent 60% de la surface de la commune. Et Sandvik a empoché 5 millions d’euros, grâce à la vente de certificats verts aux fournisseurs d’électricité suédois, tenus de disposer d’un certain quota d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables.

Inspirée par ces premiers succès, Växjö s’engage en 1996 à devenir une « ville sans combustible fossile ». Elle fait venir des experts de la Société suédoise de conservation de la nature (SNF), chargée de former élus et fonctionnaires. « C’est la raison pour laquelle les responsables locaux sont aussi calés sur des questions tels que les changements climatiques », précise Sarah Nilsson. Ville pionnière, Växjö décroche une série de subventions qui accélèrent le travail.

En 2002, la commune se dote d’un premier « ecoBUDGET » annuel, qui encadre la gestion des ressources naturelles, tout aussi contraignant que le budget traditionnel. « Du coup, l’environnement n’est jamais oublié, puisque nous en discutons au moment de la préparation du budget, de sa présentation et de son évaluation », remarque Anna Karin Unger, coordinatrice à la direction de l’environnement.

L’an dernier, les élus se sont fixés de nouveaux objectifs pour les dix ans qui viennent. Växjö s’est engagée à réduire de 20% sa consommation d’électricité par habitant d’ici 2015 et à diminuer de 70% ses émissions de CO2 d’ici 2025. La municipalité veut aussi encourager l’agriculture biologique, augmenter le recyclage des déchets ménagers, réduire sa consommation de papier, étendre la surface de ses réserves naturelles et limiter les rejets de nitrate dans les lacs. « Nous savons ici qu’économie et écologie sont deux concepts qui vont ensemble, même si ce n’est pas évident au premier abord », observe le maire Bo Frank

Mais le défi majeur concerne les transports. Les énergies renouvelables ne couvrent qu’entre 2 et 3% de la consommation en carburant des véhicules. Et ce, malgré les primes à l’achat de voitures propres, les parkings gratuits et autres mesures incitatives mises en place par la ville pour encourager l’usage des biocarburants. « Le problème, c’est que nous ne pouvons pas imposer des taxes locales sur l’essence et le diesel », regrette le maire.

Växjö a donc décidé de miser sur la fabrication locale de biocarburants. Depuis quelques années déjà, la station de traitement des eaux usées produit du biogaz à partir des boues d’épuration. Le combustible permettait de couvrir en partie les besoins en électricité du site. A partir du 1er mai, il sera vendu aux particuliers. Certes, la production reste limitée. Mais Steve Karlsson, responsable du projet, espère pouvoir bientôt l’augmenter en utilisant les déchets ménagers, produits par les habitants de la commune.

A quelques kilomètres, l’Université de Växjö dirige pour sa part un programme international de recherche, financé en partie par l’Union européenne, visant à développer un nouveau biocarburant – le diméthyléther (DME) – à partir de la biomasse. Depuis 2004, des chercheurs originaires de sept pays européens travaillent sur le site pilote de Värnamo. Le constructeur automobile suédois Volvo s’est engagé à produire une trentaine de véhicules, afin de tester l’efficacité du carburant.

L’enseignement de cette expérience ? Même s’ils s’intéressent à la protection de l’environnement, beaucoup d’habitants de Växjö semblent ignorer l’engagement particulier de leur municipalité. Pour Mark Hinely, informaticien qui a depuis longtemps renoncé à la voiture, c’est un signe : « On a montré qu’il était possible de faire beaucoup de choses, sans pour autant que cela implique des changements dramatiques dans nos habitudes, contrairement à l’idée généralement répandue. »

Anne-Françoise Hivert est correspondante en Europe du nord pour le journal Libération. Cet article a été publié dans le quotidien français. Retrouvez tous ses articles sur www.liberation.fr