Après la Conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine et les océans en mars, et le Forum sur les forêts en mai dernier , c’est au tour du premier Sommet international consacré aux glaciers et aux pôles, le One Planet – Polar Summit, de s’ouvrir du 8 au 10 novembre 2023 à Paris. avec pour ambition de renforcer la coopération internationale en faveur de la préservation de la cryosphère (c’est-à-dire la neige permanente, les glaciers, calottes glaciaires, banquises, lacs et sols gelés) et de la biodiversité glaciaire et polaire.
La protection des glaciers et des pôles au cœur des débats
L’Arctique et l’Antarctique sont deux espaces géographiques stratégiques majeurs indispensables à la régulation du climat et la préservation de la biodiversité à l’échelle mondiale. Les conséquences du dérèglement climatique, qui provoque notamment la fonte des glaces et l’élévation du niveau de la mer, augmente la vulnérabilité des populations et des écosystèmes concernés.
Quelques chiffres
Depuis 1994, le taux de fonte de glace a augmenté de 65%, passant de 800 milliards de tonnes par an à 1 300 milliards en 2017. L’ONU, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et la France alertent sur une fonte des glaces exponentielle en Arctique et en Antarctique, un enjeu qui justifie une mobilisation immédiate de la part de la communauté internationale.
(avec AFP) Le premier sommet international consacré aux glaciers et aux pôles s’est donc conclu à Paris. De nombreux scientifiques ont appelé à accélérer la recherche sur la fonte des glaces tandis que plusieurs annonces ont été faites côté français.
Mieux financer la recherche
Des scientifiques internationaux ont d’abord appelé mercredi à financer davantage la recherche polaire face à l’érosion accélérée des glaciers et des pôles. « Les recherches sur la cryosphère (l’ensemble des glaces présentes sur Terre) ont beaucoup avancé ces dernières décennies », a noté la paléoclimatologue française et autrice du Giec Valérie Masson-Delmotte. Mais cette recherche « a besoin de moyens, très insuffisants » aujourd’hui, s’est alarmé Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur de France pour les pôles et l’océan.
Un navire Michel Rocard dans les mers polaires
Recherche toujours, Emmanuel Macron a annoncé vendredi en clôture du sommet la construction d’un navire français dans le cadre d’un effort de recherche polaire dans lequel la France investira un milliard d’euros « d’ici 2030 ». Basé entre Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, et Hobart, en Australie, ce bâtiment capable de naviguer dans les glaces qui encombrent les mers polaires et qui peuvent atteindre plusieurs mètres d‘épaisseur, se partagera entre le Pacifique Ouest et l’Antarctique. Il portera le nom de l’ex-Premier ministre Michel Rocard, qui fut le premier ambassadeur de France pour les pôles.
Rénover les bases polaires françaises
Le milliard d’euros annoncé financera notamment deux initiatives d’ampleur dans les deux pôles : le Polar Pod avec l’explorateur Jean-Louis Etienne dans l’océan Austral, et la Station Arctique portée par la Fondation Tara. La France reconstruira dès 2026 sa station Dumont d’Urville sur la péninsule antarctique et s’emploiera à la rénovation de la station franco-italienne Concordia, selon le président français.

Emmanuel Macron, entouré du Premier ministre norvégien Jonas Gahr Store (gauche) et d’Olivier Poivre d’Arvor (droite), ambassadeur de France pour les pôles et l’océan, vendredi lors du One Planet Polar Summit. Photo AFP /Yoan Valat
La France a par ailleurs plaidé jeudi pour le maintien d’un « dialogue » avec la Russie en matière de recherche concernant les glaces et les pôles. « On ne pourra pas résoudre ces défis à l’échelle de la France ou à l’échelle de l’Europe. Quand on parle pôles arctique et antarctique et climat, on a besoin de base de données représentative de la planète ». La Russie abrite en effet une part importante du pergélisol – sol gelé en permanence – de la Terre.
Montée des eaux : les régions côtières s’unissent
Une alliance des villes et des régions côtières menacées par la hausse du niveau des mers et des océans a également été lancée durant le sommet. Ce projet, baptisé Sea’ties, a présenté jeudi ses nombreuses recommandations pour planifier et mettre en œuvre l’adaptation des villes côtières à l’élévation du niveau de la mer dans les décennies à venir. « Cette alliance grandira jusqu’à la Conférence Océan des Nations Unies qui se tiendra à Nice en 2025 ». « La fonte des glaciers et des pôles aura des conséquences majeures pour nos littoraux […] Un milliard d’habitants de la planète seront exposés à des risques aggravés liés à cette élévation en 2050 », Selon le Giec, le niveau des mers pourrait monter d’un mètre d’ici 2100.
Un appel pour les pôles et glaciers
Le rendez-vous a aussi abouti à un « appel de Paris pour les pôles et les glaciers » qui, selon Emmanuel Macron, réunit déjà « une trentaine d’États signataires ». Parmi eux, plusieurs pays européens mais aussi l’Inde, Singapour, la Corée du Sud… Ou encore Tuvalu et l’Australie, qui vient d’offrir l’asile climatique aux 11 000 citoyens de ce petit ensemble d‘îles du Pacifique grignoté par la montée des eaux et menacé de disparition. Face à « l’effondrement » des surfaces gelées de la planète, un défi « inédit » et « civilisationnel » pour l’humanité, Emmanuel Macron a plaidé pour « un niveau de coopération inédit » malgré le « regain des tensions géopolitiques ».
Les scientifiques ont par ailleurs émis à destination des politiques un appel général composé de six mesures, demandant notamment aux gouvernements de « réduire fortement et rapidement » les émissions de gaz à effet de serre pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris, soit limiter le réchauffement planétaire à 2°C voire 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle. Les participants aux réunions ont également demandé aux autorités de soutenir « les initiatives et missions scientifiques internationales », dont l’objectif est d’« améliorer les connaissances sur la cryosphère ».
Crédits Photo: One Planet Polar Summit /DR